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LE BUILDING : SOUS LE BÉTON, LES BARS

Vue d’en dessous. © Inventaire du Patrimoine-Région-Bourgogne-Franche-Comté.

Besac Art déco 1/3

Pour le centenaire de ce style qui a largement infusé dans l’architecture et le design des années 1920, première étape d’une balade dans le Besançon Art déco avec le Building, un immeuble dont les murs de béton ont quelques histoires à raconter.

À partir de 1926, le béton coule pour la première fois à Besançon (enfin, rien ne le prouve, mais on aime bien l’idée) pour construire un immeuble largement inspiré par l’Art déco. L’œuvre signée par l’architecte André Boucton (qui a un peu bossé sur l’Horlo et l’usine Dodane aussi) est baptisée Building. Même si la construction n’accumule pas les étages (sept seulement), peut-être, on sait pas, parce que ça fait classe américaine… En tous cas, c’est le plus couleur locale Crédit Foncier de Franche-Comté qui file la thune et organise sa première assemblée générale à la fin juillet 1930 dans la salle de conférence de cet immeuble qui voit grand, censé accueillir une salle de spectacle en sous-sol, l’office de tourisme, une consigne à bagages, des cabines téléphoniques, des bureaux et tout en haut, un grill-room (avec rooftop, s’il vous plaît). Bon, tout ça est revu à la baisse et ce sont surtout des apparts qui occupent les sept étages du Building desservis, et c’est presque une première dans le Besac de l’époque, par un ascenseur, toujours là, identique à lui même. Même si plusieurs bureaux s’y installent quand même et, en 1931, le consulat de Suisse. Certains pensent que c’est la présence en ces lieux de nos voisins helvètes qui justifient les bas-reliefs qui encadrent l’entrée : un randonneur façon scout et une jeune fille en fleurs façon Heidi. Une fois encore, rien ne le prouve, mais on aime toujours bien l’idée…

Heidi or not Heidi ? © Inventaire du Patrimoine-Région Bourgogne-Franche-Comté

Et dès l’été 1938, le Building abrite, dans le sous-sol où salle de spectacle était prévue, un cinéma qui ne se fatigue pas trop pour se trouver un nom. Le Building (donc) aurait peut-être du prendre le Phénix comme enseigne pour pouvoir renaître de ses cendres. Parce qu’en 1988, un catho plus qu’intégriste fout le feu à la salle. Le mec (ardent militant -et candidat local- du Front National, mais c’était avant le changement de nom du parti, la dédiabolisation, toussa, toussa, hein…) a, en déposant une bombe incendiaire sous un fauteuil, bien l’intention de tuer les spectatrices et spectateurs venu(e)s assister à une projection de la Dernière Tentation du Christ de Scorcese. Heureusement pour elles et eux, l’engin artisanal du terroriste d’extrême-droite a explosé une heure après le générique de fin du film. Mais ce cinéma ne s’en est jamais remis. Dommage pour les cinéphiles, youpi pour les noctambules. Puisque le regretté Philippe Moretti (a.k.a. Souris ou Sris) allié à Éric Barthélémy (a.k.a. Le Barth) transforment le sous-sol en bar-club. Une adresse qui, sous le nom de Building (se sont pas foulés non plus) puis de Pop Hall (c’est plus drôle), fait date dans la nuit bisontine, des Nineties au début du nouveau millénaire. On se souvient avoir, à l’époque, écrit dans un guide quelque peu connu que, du comptoir aux toilettes, plus qu’à Besançon, on se serait attendu à trouver ce genre de lieu à New-York ou Berlin. Las, le Doubs (quelques inondations) et le dur (fermetures administratives pour, entre autres, avoir affiché un « mur des culs ») ont la peau du Pop Hall. Mais y’a toujours un bar-club au sous-sol du Building, La Cale, sur lequel, honnêtement, hormis l’ambiance vaguement île des pirates, on n’a pas trouvé grand-chose à écrire… Mais même si l’immeuble ne se visite pas, même si la façade (à laquelle les Seventies ont ajouté quelques garde-corps, forcément orange) vieillit doucement, l’ensemble mérite un coup d’œil.

F.P.C.

✪ Le Building  : 26, rue Proudhon (La Boucle). Accès : bus lignes 4, 5 et 6, arrêt Poste.

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